Extraits
Un Pays de quelques uns
Le dépossédé est le peuple togolais. Entretenu jusqu'ici au moins dans le cynisme de la cyclique mise en scène d’une illusoire souveraineté. Il perd ainsi,le peuple, finalement, les prérogatives du suffrage universel direct, déjà constamment à lui niées, dans le fait. La démocrature comme entérinée.
C’est ainsi donc que, “sans nous consulter”, nuitamment, on entreprit de nous faire changer de République !
Quand on a pointé le ridicule de l’initiative des députés togolais, on n'a pas prévenu le mal. Car le projet de texte dont le sournois de son introduction provoqua un tollé, fut promulgué en mépris total du peuple. Dès lors, il fait constitution sans que son détail ait été jamais publiquement communiqué. De sorte qu’il n’y a pas un seul togolais qui connaissait deux mois après, la loi fondamentale qui est censée déjà le gouverner.
Quand on a souligné le tragicomique, on n'a pas expurgé ce cancer qui s’est formé dans la conscience du pays.
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Mon Pays que voici
Terre profanée
bave à la bouche
morve au nez
large sourire sur le bâillon
Ce pays pue le mort de personne
cadavre sans linceul ni tombe
Il pue la mort de tout le monde
huit millions d’âmes et des poussières d’étoiles
en fosse commune
Nous ne mourrons pas au ventre de l’Atlantique
pas assez, tant nous aimons cette terre
Nous périssons de plaies internes
du sifflement de matraques
de crosses et de balles dans le cœur
Ce pays pue la mort
la merde
un pied en plein, la matinale !
Des musaraignes au palais et à l’assemblée
Il pue, le pays
Bloqués dans des aubes mortes
C’est de Demain il fera beau
tagué au front du grand boulevard
de Ça va ! sans sentiment
jeté à la mère
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Anselme, Douti, la constitution et moi
Quand on ne sait pas dire les choses, elles rongent.
Continuellement. Mais comment écrit-on les temps qui ne changent pas ? Comment écrit-on le non-droit, la répression et la forfaiture quand ça vous noue la gorge, l’estomac et les mains ?
Comment écrit-on les coups que l'on prend dans les tripes, le cœur et la tête ? Comment survit-on aux balles perdues et à celles à bout portant qui viennent se loger dans les poitrines d’enfants de 9 ou 12 ans ? Comment, enfin, ne pas mourir quand les rangers vous brisent les côtes et les crosses de fusils vous fracassent le crâne ?
La question que je pose ici, c’est comment écrire l’histoire togolaise. La condition togolaise. Le meurtre et l’ensevelissement permanent de l’idéal national par une clique de maitres-sorciers et leur horde d’apprentis. Ce que je veux crier comme on pleure toutes les larmes de son corps, c’est la négation toute aussi continue de nos aspirations profondes et de notre droit à être.
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Tristesse civique
J’écris cette tribune depuis l’abcès de ma « tristesse civique » – expression que j’emprunte à Albert Camus. Je l’écris parce qu’il arrive des jours dans une vie où la provocation d’un événement vous arrache au confort des patries imaginaires que vous vous construisez dans vos têtes pour vous ramener sous la pesanteur de la fratrie concrète des luttes. Vos sermons d’indifférence de la veille se délient. Vous êtes alors assignés à comparaître devant le mauvais temps qu’il fait et à renouveler vos serments trahis. Si ce jour vient à vous, n’allez pas à sa rencontre les mains vides, sachez que vous avez été précédés dans ces contrées du chagrin par toute une fratrie d’écrivains, de résistants, de vaincus, etc.
Lorsque ce jour m’est venu le 19 avril dernier, j’ai chaussé les mots d’Albert Camus pour en découdre avec l’orage qui ne cesse depuis de gronder dans mon continent intérieur. Le refuge d’altitude des livres et la compagnie de quelques arpenteurs de désastres seuls autorisent depuis la mise à distance de l’émotion, pour confronter mon esprit aux vertiges de l’évènement.
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Que par nous advienne notre justice
Qui s’est déjà senti servi par nos prétendus leaders dans ce pays
Personnellement jamais.
Par contre, j’ai l’impression qu’on se sert toujours de moi.
Qu’on se se sert de moi à chaque fois qu’on va contracter des prêts en mon nom auprès du FMI ou de la Banque Mondiale,
Qu’on se sert de moi, chacune des nombreuses fois où des gens en uniforme m’arrêtent pour me racketter,
Qu’on se sert de moi chaque fois qu’on perçoit mes impôts sans que jamais ni les routes, ni les hôpitaux, ni les écoles ne s’améliorent.
Qu’on se sert de moi lorsqu’on me promet qu’une nouvelle constitution adoptée unilatéralement par des personnes qui ne sont plus en mandat est la solution à des problèmes qu’on n’a pas pu résoudre en 60 ans au pouvoir
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